
« Bek’ » comme j’ai fini par l’appeler. Je suis pas coutumier des diminutifs affectueux pour mes proches, encore moins pour les inconnus. Mais comme l’admiration pour quelqu’un nous donne un faux sentiment de proximité, j’en ai été victime avec Zdzisław Beksiński. Je pourrais peut-être écrire un jour un livre sur l’effet que m’a produit cet artiste. Sur l’empreinte si forte qu’a eu son travail sur mon imaginaire, et combien je lui dois d’idées qu’il m’a inspiré. Le pire étant qu’il n’a jamais rien dit sur son travail. Sans doute son silence m’a permis de projeter tout ce qu’il refusait de dire sur son art, et m’a offert le terreau fertile pour que mon imaginaire déploie toutes ses névroses et n’accouche de mes propres obsessions littéraires.
Mais je suis convaincu que vous êtes nombreux à ne pas connaître ce maître. Alors on va y remédier.
Qui était Zdzisław Beksiński ?
Zdzisław Beksiński (1929–2005) était un peintre, photographe et sculpteur polonais. Il a été rendu célèbre pour ses œuvres, d’abord surréalistes lorsqu’il était photographe, puis dystopiques en tant que peintre. Son style, résolument sombre voire même gothique, explore des paysages désolés, des architectures organiques et déformées, et des figures spectrales, le tout baigné dans une atmosphère de mystère et de désespoir. Bien qu’il ait étudié l’architecture, Beksiński a rapidement abandonné cette voie pour se consacrer entièrement à l’art. Cela l’amènera à devenir l’un des représentants les plus marquants de l’art fantastique contemporain. Même si personnellement, je trouve son couronnement trop timide.
Un style sans concession, onirique et obscur
Beksiński est souvent associé à l’art fantastique et au surréalisme sombre. Ses toiles se distinguent par :
- Des couleurs profondes : rouges sang, noirs abyssaux, bleus métalliques.
- Des formes tourmentées : bâtiments qui semblent vivants, corps difformes, paysages post-apocalyptiques.
- Une lumière dramatique : éclairages contrastés qui accentuent le côté cauchemardesque de ses scènes.
Ses œuvres ne racontent pas d’histoires précises, mais évoquent des émotions fortes : angoisse, mélancolie, fascination pour l’inconnu.
L’art de Beksiński n’est pas biomécanique comme Giger. Si je devais le qualifier, j’emploierai plutôt l’expression bio-architecturale. Les bâtiments sont souvent d’os ou de cartilages ou évoquent des structures organiques. Au-delà de la noirceur de son art, c’est dans les choix de ce qui est représenté que l’artiste trouve sa patte si cauchemardesque.
Une vie marquée par la tragédie
La vie de Beksiński a été profondément affectée par des événements tragiques :
- En 1998, sa femme, Zofia, décède.
- En 1999, son fils, Tomasz (un animateur radio populaire), se suicide.
- En 2005, Beksiński lui-même est assassiné dans son appartement à Varsovie.
Ces drames ont nourri une légende noire autour de l’artiste. Bien qu’il ait toujours rejeté les lectures autobiographiques de son art, il est compliqué de ne pas voir dans ses paysages désolés l’écho d’une existence marquée par la perte et la violence historique. Comment mettre de côté l’enfant qu’il a été, grandissant dans la ville de Sanok en Pologne. Une ville dans laquelle 30% de la population était Juive, et a donc été déporté des suites de l’annexion du territoire par l’Allemagne Nazie. S’il est impossible d’affirmer que son travail découle de ce traumatisme infantile, il est difficile de ne pas supposer son influence.
Héritage et influence
Bien que Beksiński soit resté discret de son vivant, son oeuvre a gagné une renommée internationale posthume. Ses peintures inspirent aujourd’hui :
- Les jeux vidéo (comme Dark Souls, Bloodborne, The Medium et tant d’autres…).
- La littérature et le cinéma d’horreur.
Ses toiles sont exposées dans des musées et galeries à travers le monde, et son site officiel (géré par la Fondation Beksiński) permet de découvrir une grande partie de son travail.
Il faut aussi souligner qu’il existe une galerie entièrement dédiée à son art à Cracovie. Ce qui représente donc un lieu de pélerinage que je viserais dans les années à venir.
Pourquoi Beksiński fascine-t-il encore aujourd’hui ?
Son refus de donner des explications sur ses œuvres ajoute à leur mystère. Cela laisse chaque spectateur libre d’y projeter ses propres interprétations. J’en suis particulièrement heureux, je pense que l’art bénéficie à la discrétion de la signification qu’il a pour son auteur. Si l’art est universel, il ne l’est que plus lorsque son géniteur refuse l’épanchement sur sa raison d’être. Au bout du compte, ce qui est important c’est que ça soit. Limite, la méthode de l’auteur est plus importante que le pourquoi.
Le comment, est toujours plus important que le pourquoi. Le pourquoi dépend de chacun.
Où découvrir son œuvre ?
- Musée historique de Sanok (Pologne) : Abrite la plus grande collection permanente de ses œuvres.
- Galerie en ligne : Beksiński Official Website (archive de ses peintures et dessins).
- Livres : Plusieurs recueils de ses œuvres sont disponibles, comme Beksiński 1 à 5.
Son influence sur mon travail.
Si je cite Beksiński comme un forçat, ce n’est pas que parce que ça serait un honneur de voir mon nom associé au sien dans l’algorithme de Google. C’est tout simplement parce que je pense fondamentalement que l’intime conviction qui m’a conduit aux Interstices, vient de ce que l’homme m’a inspiré. Si je dois filer l’histoire de mon travail, je dirais que l’acte de révélation arrive avec ma découverte de l’esthétique du bonhomme, ainsi que l’obsession sur « l’association libre ». Je vois dans Beksiński un art qui a dépassé le surréalisme pour aller vers un autre chose qui n’a pas eu de nom. Et je crois d’ailleurs que beaucoup d’artiste n’ont pas de « nom » associé avec ce qu’ils font et s’en retrouvent d’autant plus grandi et mythique.
Beksiński est un peintre du mythique. Son art est mythique, des ombres récurrentes y planent, intemporelles, presque indescriptibles et invoquent un imaginaire à la fois très personnel et universel. Si je peux un jour devenir un Beksiński de l’écriture, ou faire en sorte que mes écrits provoquent un effet proche de celui que le travail de l’homme m’a provoqué, je ne serai pas juste comblé, je serai parmi les « grands » pour le peu que ça veut dire.
Amour artistique, organique, mais toujours platonique
C’est son travail qui m’a donné confiance en une conviction. Cette intime conviction que l’on peut avoir été seul sur un chemin et trouver les autres malgré tout. La confiance en une universalité qui s’ignore derrière la bizarrerie. Un peu tout ce que m’ont appris Giger, Dali et Moebius aussi, mais en encore plus intime, parce que Beksiński et son oeuvre ont encore plus planés que les autres sur mes références.
C’est un immense monsieur à mes yeux. Et j’ai l’intime conviction que le monde de l’art ne l’a pas encore courronné pour tout son génie.
Je pense que cela viendra.
En tout cas, je militerai pour que ça vienne, parce que je n’aurais de cesse d’y rendre hommage.
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